Alors qu’il approche de la quarantaine – ses origines remontent à 1979 –, le groupe Voyageurs du Monde n’a, au fond, jamais aussi bien porté son nom. Le spécialiste du voyage sur mesure (avec ses marques Voyageurs du Monde et Comptoir des Voyages) et du voyage aventure (avec, entre autres, Terres d’Aventure, Nomade Aventure et Allibert), rejoint en effet à grands pas le petit cercle des géants français de dimension internationale dans l’univers du voyage ou du tourisme. Des poids lourds ô combien emblématiques s’agissant de Club Med, du Groupe Pierre & Vacances -Center Parcs ou même d’AccorHotels.
A côté d’eux, Voyageurs du Monde fait figure de poids léger. Pourtant, sa taille, 427 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017, ne l’empêche pas d’avoir une stratégie
internationale audacieuse. Dans un secteur du voyage à forfait encore atomisé et
renouant avec la reprise après une décennie de turbulences pour cause, notamment, de crise économique et d’incidences du printemps arabe, Voyageurs du Monde a confirmé, l’an dernier, la pertinence de son positionnement et l’efficacité de son modèle économique en enregistrant des résultats record. Il a aussi changé de statut, passant de numéro un de ses segments de marché à champion national accélérant la cadence à l’étranger. Ainsi, la part de ses revenus réalisés à l’international a bondi de 10 points pour atteindre 21 %, à la suite de l’acquisition, en 2017, de deux tour-opérateurs anglais Original Travel et KE Adventure Travel. Avec ces spécialistes respectivement du sur-mesure et du voyage aventure,
le voyagiste va pouvoir désormais développer à l’international ses deux grands
métiers.
Histoire collective
Ce mouvement stratégique, qui a tout de la double opération « industrielle », constitue clairement une nouvelle donne. Voyageurs du Monde, qui avait commencé à cultiver une clientèle étrangère francophone, a désormais la voie d’accès au vaste monde anglophone. En filigrane, ce changement de statut pourrait faire office de second tome d’une histoire collective mêlant amitié et entrepreneuriat. Car Voyageurs du Monde, c’est d’abord une aventure humaine
avec un triumvirat de managers actionnaires majoritaires sans équivalent, avec son
PDG, Jean-François Rial, et ses deux compères directeurs généraux délégués, Alain
Capestan et Lionel Habasque. Une « dream team » qui marie rentabilité et engagements sociétaux.
Le trio – une « bande des cinq » en réalité, car deux autres personnes ont eu un rôle
clef dans cette aventure collective – prend. forme dans les années 1990 chez le fournisseur d’informations financières Fininfo, où ce petit monde officie : Jean-François Rial et Lionel Habasque sont amis depuis la fac et leurs études de statistiques. L’équipe prend son envol à partir de 1996 avec l’acquisition de Voyageurs du Monde par Jean-François Rial (Lionel Habasque rejoindra la société
en 2004). En quête d’une entreprise à reprendre, ce dernier « flashe » sur ce petit
tour-opérateur de 35 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont il est client. Spécialiste du sur-mesure, Voyageurs du Monde intervient également, à l’époque, dans le vol sec et les circuits accompagnés. Ces deux activités sont désormais arrêtées.
Deux décennies plus tard, la taille du groupe a été multipliée par plus de 12. La société, cotée à Euronext Paris depuis juillet 2006, figure dans le Top 5 des voyagistes français, solidement installé sur deux des segments de marché du voyage les plus porteurs. Il est aussi doté de 16 marques complémentaires, dont 6 principales et une distribution omnicanal – Web et agences en propre – totalement intégrée, qui assure, de longue date, son indépendance et sa liberté d’action. S’agissant du Net, la marque Voyageurs du Monde a d’ailleurs lancé mardi un nouveau site, fruit de deux ans de travail.
Montée en puissance
Au fil du temps, le périmètre du groupe a été élargi et renforcé par des acquisitions réussies. La percée dans la « rando » et le voyage aventure démarre ainsi en 2001 avec la reprise de Terres d’Aventure et s’amplifie, par la suite, avec le rachat, notamment, de Nomade Aventure (2004), de Grand Nord Grand Large (2007), de Chamina-Sylva (2011),très actif en France, d’Allibert (2012), de La Pèlerine (2014) ou même de Loire Valley Travel (2015), un spécialiste de la rando vélo dans le Val de Loire. Cette dernière acquisition permet à la fois de mettre un pied dans le cyclotourisme et de toucher encore davantage la clientèle étrangère.
Car Voyageurs du Monde avait déjà amorcé sa montée en puissance à l’international. Il l’avait fait en douceur, en commençant à cultiver une clientèle francophone avec l’ouverture d’une agence àBruxelles en 2008, puis à Genève, en 2011. La même année, le groupe prend pied au Québec, grâce à l’acquisition d’Uniktour, actif dans le voyage sur mesure et en individuel, une marque en cours de remplacement par la marque Voyageurs du Monde. Début 2016, il accentue sa présence dans la Belle Province avec le rachat, cette fois-ci, d’un expert du voyage aventure, Karavaniers. Avec Loire Valley Travel, Voyageurs du Monde a par ailleurs élargi son spectre, car sa filiale de cyclotourisme a du succès auprès des Britanniques. Cette clientèle est également visée par les rachats, à leur tour amicaux, d’Original Travel et de KE Adventure Travel.
Ce coup d’accélérateur sur ce marché présumé hautement concurrentiel qu’est la
Grande-Bretagne n’a rien de la folie douce. Bien au contraire. C’est même la conclusion d’une intense réflexion stratégique des dirigeants de Voyageurs du Monde qui a conduit à cette offensive. Souhaitant rééquilibrer leur position de leader en France, ils sont partis de deux constats importants.
D’une part, le groupe n’a pas vraiment d’équivalent en Europe. D’autre part, le phénomène de « désintermédiation », à savoir la capacité du consommateur de se fabriquer lui-même son voyage à forfait sur le Net, n’affecte pas les confrères britanniques. Enfin, le développement à l’international devrait aussi permettre au groupe de mieux vendre la destination France. Une tentative de promotion de celle-ci, lancée auprès des Français voilà une dizaine d’années, avait été vaine. Avec eux, seule la « rando » (Alpes, Pyrénées, Massif central, calanques…) marche, si l’on peut dire. Le phénomène de société qu’est la randonnée serait tel d’ailleurs que la France des godillots constituerait le premier marché du monde !
Avec les Britanniques et autres anglophones, c’est donc une toute autre histoire
que Voyageurs du Monde compte désormais écrire. Le voyagiste prépare en effet
une offre trekking et vélo en France qui leur sera dédiée et qui sera commercialisée via un site Internet ad hoc. Mais l’acquisition d’Original Travel et de KE Adventure Travel s’annonce d’autant plus stratégique dans l’internationalisation de la PME, sise à Paris, que ces tour-opérateurs anglais vont lui servir de tremplin pour franchir l’Atlantique et partir à la conquête des Etats-Unis. D’ici à « deux ou trois ans », ces marques auront leurs équipes locales, sachant que les Américains représentent déjà 15 % de leur clientèle. Entre-temps, Voyageurs du Monde aura peut-être fait, par ailleurs, un nouveau pas en avant – voire plusieurs – sur le Vieux Continent. Sa direction ne cache pas en effet être « en veille » à propos de la
Scandinavie et de l’Allemagne, « un grand pays du vélo ». Pas de doute, ça pédale sec chez Voyageurs du Monde !