Une approche d ‘ investissement centrée sur les opérations de croissance dans les « services » au sens large . Voilà comment traduire la stratégie Focus & Growth , mûrement réfléchie par Eric Bismuth fin 2004 après quinze ans au sein du cabinet Boston Consulting Group ( BCG ). “J’ ai toujours voulu être investisseur et stratège“, affirme celui qui, dès 1988, en troisième année de Centrale Paris , se passionne pour les produits dérivés et co-fonde une société de logiciels de gestion de positions sur le Matif. Après cette aventure au contact des marchés, il choisit la finance d’entreprise .Au sein du cabinet BCG , dont il deviendra le plus jeune associé mondial à 29 ans , il met au point un processus de fidélisation des clients , avec réinvestissement dans de nouvelles missions d’une partie de la valeur créée grâce à ses conseils. Accor, PPR, Promodès, Essilor, Michelin, Europe Assistance…, il tire de ces relations durables une vraie spécialisation dans les services et biens de consommation. Et la conviction de “savoir aider les dirigeants d ‘ entreprise à voir ce que les autres ne voient pas et à les accompagner dans la mise en place de plans d’affaires ambitieux“.
Profils complémentaires
L ‘ avènement du LBO ( leveraged buyout) en France en 20041e convainc de lancer un fonds pour capitaliser sur ce savoir, mais sans le faire comme les autres (avec beaucoup de levier financier et d’espoirs dans la croissance des multiples). Montefiore Investment naît début 2005, en association avec Daniel Elalouf (ex France Telecom et Permira) et Thierry Sonalier (ex-Grand Optical, Sephora, Célio, SFR). Et, pour commencer, avec 40 millions d’euros apportés par des family offices et des entrepreneurs convaincus par ces trois spécialistes de l ‘ “économie présentielle“ – un secteur élargi des “services aux entreprises et à la personne“ avec une attention particulière aux métiers distribution, hôtellerie et loisirs tourisme. “Au contraire de l ‘ industrie, dans les services, le travail commence quand on encaisse l’argent“, résume Eric Bismuth, en insistant sur le capital humain, les marques et les technologies internet pour les accompagner. Huit ans plus tard, la société de gestion a levé deux autres fonds avec Montefiore III dont le closing final est attendu cette année. Elle a grossi de 3 à 11 professionnels, dont 9 gérants, et confirmé ses expertises avec 11 investissements et des rendements remarquables*. Début 2011, Thierry Sonalier a pris la direction d’Habitat, tout en restant operating advisor. Pour Jean-Marc Espalioux, l’ex-directeur financier de la Générale des Eaux et président d’Accor et de Financière Agache qui les rejoint alors, “les expériences cumulées de l’équipe lui permettent, un peu comme aux échecs, d’anticiper les coups, voire d’être contactée en amont pour de nouvelles opérations“. Un avantage dans ce métier où les rendements se font souvent à l’entrée.
Pré-acquisition, l’équipe use donc de son relationnel avec les entreprises des secteurs ciblés. A l’image des conseils en stratégie, “nous réalisons des analyses poussées sur chaque segment , qui nous permettent de découvrir des problématiques spécifiques et des opérations possibles sur des sociétés attractives à moyen terme, qui ne sont pas forcément à vendre comme ce fut le cas pour Homair Vacances (tourisme) ou Auto Escape (location de voitures)“, expliquent les directeurs de participations Isabelle Fioux et Alexandre Bonnécuelle. “Le premier fonds nous a permis de peaufiner nos méthodes. Depuis, nous avons standardisé nos processus à la fois pour limiter les risques et transmettre nos valeurs de transparence, intégrité, créativité“, note Eric Bismuth. “En restant attachés à la fluidité des prises de décision“, ajoute Daniel Elalouf. Ainsi, le porteur d’un nouveau projet doit convaincre l’équipe pour lancer le processus d ‘ investissement, qui passe ensuite par l’élaboration, en trio, d’un document d ‘ information très complet (stratégie, plan d’affaires, montage, etc. ) à présenter en comité de “pré- investissement“, avant de lancer les due diligence externes finales en vue du comité d ‘ investissement. “Nous échangeons beaucoup tous ensemble, très ouvertement, sans logique de silo autour du porteur d’un projet“, confirme le dernier directeur de participations arrivé, Henri Topiol.
Suivi opérationnel
Avec ces méthodes rigoureuses, l’acquisition n’est pas, chez Montefiore où les leviers sont modérés et les montages peu sophistiqués, la partie la plus compliquée. L’équipe insiste davantage sur l’accompagnement de l’entreprise, quand le trio de gérants doit s’assurer de la mise en place du business model défini en amont avec elle, notamment grâce un outil de suivi des étapes très précis (value creation roadmap). “Cette recherche de croissance rentable (du chiffre d’affaires à taux de marge d’Ebitda constant, NDLR), qui compose 85 % de la création de valeur réalisée sur l’ensemble de notre portefeuille, est notre marque de fabrique“, insistent Eric Bismuth et Daniel Elalouf. Parfois même au détriment des marges à court terme, lorsque cette croissance passe par des acquisitions – une trentaine comme chez Homair Vacances, Asmodée (distribution de jeux), etc. – qui nécessitent un effort d’intégration. “Au cours de notre semaine comme de nos réunions du lundi, on passe beaucoup plus de temps à parler du portefeuille que des nouveaux projets“, développent Daniel Elalouf et Alexandre Bonnécuelle, évoquant également les reportings financiers et comités mensuels pour chaque entreprise, “où il est souvent davantage question d ‘ avancement des affaires, ajoute Eric Bismuth. Acquisitions, systèmes d’information, politiques de prix, négociations fournisseurs, recrutements, ouvertures de sites, etc.“ Toute l’équipe contribue également à un point semestriel sur chaque société. “L’avantage d’être à la fois très spécialisés et très sélectifs (avec seulement une participation pour un gérant en moyenne, NDLR) est de pouvoir connaître les entreprises du ‘sol au plafond’ et d’être plus réactifs dans notre soutien quotidien“, juge Jean-Marc Espalioux. “La croissance externe pour les services , où elle se fait par réplication, est quand même moins facile à l ‘ étranger que pour l’industrie, où elle est synonyme de globalisation . Du coup , nous ne pensions pas créer autant de valeur à l’international avec nos PME“, conclut Daniel Elalouf en évoquant des négociations et/ou intégrations complexes pour Asmodée, Auto Escape ou encore Homair Vacances. Pour B&B Hotels, le premier deal réalisé aux côtés d’Eurazeo, l’équipe avait même suggéré, avec une analyse sectorielle assez fine, de renforcer la filiale allemande pourtant moins performante autour d’un concept plus adapté à l’exigeante clientèle locale.