Eric Bismuth a hissé Montefiore parmi les dix premiers fond mondiaux
Sur le mur de son bureau trône une gravure de Sir Moïse Montefiore. Cet Italien d’origine devint tour à tour, au XIXe siècle, un financier, un industriel, un philanthrope, et le maire de Londres avant de mourir centenaire. Un destin de pionnier qui a inspiré Eric Bismuth. Car Montefiore , c’est aussi le nom de la société d’investissements que ce Lyonnais a créée à Paris en 2005.
Aujourd’hui, Montefiore Investment se hisse parmi les dix premiers fonds de “private equity“ au monde, d’après le classement Preqin. Et elle reste la société de capital investissement française la plus performante sur le long terme avec plus de 20 % de rendement par an. A son portefeuille se mêlent des participations aussi variées que le voyagiste Voyageurs du Monde, le fleuriste Interflora, la styliste Isabel Marant ou la société d’intérim Alphyr.
Car son président a fait le choix peu fréquent de se tourner d’abord vers les PME de services. Avec un intérêt, plutôt rare aussi, pour des entreprises qui ne réalisent, au départ, qu’entre 30 et 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. “Eric Bismuth est parti de zéro. Et Montefiore est une réussite ! commente Martin Vial, commissaire aux participations de l’Etat. Il n’a pas investi dans ce qui brille, ni dans des opérations de court terme. Avec du pragmatisme et une vision industrielle, il accompagne le développement de ses entreprises.“
Eric Bismuth, chaleureux, discret, ne rechigne pas à rester au capital le temps de transformer ses PME en ETI, voire en groupes internationaux. Ainsi, European Camping Group (ex-Homair) est devenu leader européen du camping en mobil homes. “Il a fait grandir plein d’entrepreneurs, commente Laurent Lévy, le président- fondateur d’Optical Center. A sa manière, il incarne la finance à visage humain.“
Il faut dire qu’Eric Bismuth a été à bonne école. Son père, orphelin à 14 ans, a lâché ses rêves d’avocat pour embrasser les affaires, finançant, au passage, la scolarité de ses frères et soeurs. Après son départ de Tunisie où il a interrompu ses études, Meyer Bismuth, doté d’un sens inné du commerce, a réussi, notamment dans le textile, à force de développer des magasins jusqu’à créer une énième société à 62 ans. De quoi passer à ses enfants l’esprit d’entreprise, mais aussi la foi en l’école républicaine. “Il nous a fait prendre conscience de la liberté acquise par le savoir“, déclare Eric Bismuth, père de quatre enfants et terriblement attaché à sa famille.
Un prêt étudiant pour boursicoter
Son credo à lui ? Les chiffres. En 1986, ce passionné de jeux de stratégie rejoint Centrale-Paris. Et, avec l’ouverture des marchés financiers en toile de fond, l’apprenti-ingénieur fait un prêt étudiant pour boursicoter. En parallèle, il conçoit, avec deux camarades, un outil de gestion baptisé “Profi“ pour “progiciels financiers“. “Il est d’une extrême curiosité. Il veut apprendre, comprendre“, témoigne Fabrice Collet, CEO de la chaîne B&B Hotels, jadis dans le giron de Montefiore Investment.
Si investir le passionne, la science brute comme la finance pure semblent à Eric Bismuth trop déconnectées du monde réel. “Il a les pieds sur terre et une approche très entrepreneuriale“, commente Stéphane Carville, président de l’éditeur de jeux Asmodee Group, dont Montefiore Investment a été actionnaire.
Bientôt, Eric Bismuth entre en stage à la vénérable Banque de France puis au Boston Consulting Group… où il restera quinze ans. Dès 1990, le jeune consultant arpente les sociétés de biens de consommation, de distribution, de services, croise des patrons qui le motivent, observe les entrailles d’entreprises clientes : Promodès, Michelin, Accor… jusqu’à devenir associé à 29 ans. “J’ai demandé à mon coiffeur de mettre du gris dans mes cheveux pour sembler plus crédible !“ sourit ce fan de foot, supporter de l’OL, qui a gardé le goût de la gagne à 51 ans.
De consultant, il passe entrepreneur, un vieux rêve, et co-fonde Montefiore Investment, avec DanielElalouf. Cet admirateur de Churchill, amateur de bonnes tables et amoureux des classiques, de Molière à Stendhal, sait s’entourer. Et a rallié des pointures telles l’ancien président d’Accor, Jean-Marc Espalioux. “Je n’ai ni l’envie ni le goût de la solitude“, déclare Eric Bismuth. On le dit bosseur, prudent. Car ce grand voyageur a parfois connu l’échec… “Alors que je m’apprêtais à réaliser mon premier investissement, le ‘deal’ m’a échappé la veille de la signature. La banque à qui j’avais apporté l’affaire a signé sans moi!“ confie-t-il. Des déconvenues qui, à la lecture du classement Preqin, n’ont guère duré.