Asmodée, l’éditeur de Dobble et Jungle Speed, veut à présent accélérer son essor à l’étranger.
C’est l’histoire d’une bande de copains qui s’ennuient en cours, passent leurs weekends à jouer, décident d’en faire leur métier, créent leur société…et finissent par détrôner le leader du marché !Une histoire digne d’Amazon ou de Google, mais 100% made in France. Cette ascension, c’est celle d’Asmodée, l’éditeur de Jungle Speed,Time’s Up ou encore Dobble. Fondée en 1995 par quelques passionnés emmenés par Marc Nunès, l’entreprise vient de se hisser, moins de vingt ans plus tard, au premier rang des jeux de société et des cartes de type Pokémon dans l’Hexagone. «Nous sommes les trublions du secteur», résume son actuel président, Stéphane Carville. Depuis des années, le marché français, évalué entre 250 millions et 300 millions d’euros par an, était dominé par Hasbro avec des jeux aussi connus que Monopoly, Cluedo ou LaBonne Paye. Mais, en 2013, le champion américain et leader mondial a perdu sa couronne. Sa part de marché a été ramenée d’environ 28% à 19% en deux ans. Celle d’Asmodée a plus que doublé dans le même temps, passant de 11% à 24%, selon les données de la société d’études NPD.
Au terme de ce chassé-croisé, la PME de Guyancourt (Yvelines) domine clairement le marché français, devant quatre concurrents étrangers : les américains Hasbro et Mattel, le néerlandais Goliath et l’allemand Ravensburger.
Un succès dont Montefiore Investment vient de tirer un profit sonnant et trébuchant : le fonds, qui était le principal actionnaire d’Asmodée, a vendu ses titres en janvier à un autre investisseur français, Eurazeo. La transaction. valorise l’éditeur de jeux à 143millions d’euros. Bonne pioche ! En 2007, quand Montefiore a négocié son entrée au capital, l’entreprise était encore un poids plume. Depuis, son chiffre d’affaires a été multiplié par 5 en sept ans. Il devrait frôler 140millions d’euros lors de l’exercice clos fin mars. La PME de 170personnes est en train de devenir une entreprise de taille intermédiaire, une de ces « ETI» dont la France manque tant.
«Ce n’est pas un feu de paille, assure Frédérique Tutt, spécialiste des jouets et jeux chez NPD. Asmodée a su créer des jeux dynamiques, fun, différents de ceux plus classiques d’Hasbro, et les imposer grâce à un marketing très original.» Au cœur de cette réussite, des jeux courts, adaptés à la vie des enfants d’aujourd’hui. Une partie de Dobble demande cinq minutes, au lieu d’une ou deux heures pour un Monopoly.
L’entreprise en lance environ 80 par an.Dernier-né, le Splendor, un jeu d’anticipation, de bluff et de stratégie volontairement rapide, lui aussi : au cours des mois de test, les règles ont été simplifiées, afin d’aboutir à des parties fluides, d’une demi-heure seulement.
Comme les autres produits de la maison, le Splendor suit désormais un parcours commercial très particulier. Depuis quelques semaines, il est distribué uniquement dans des boutiques hyper-spécialisées de centre-ville, comme Descartes à Paris, ou Philibert à Strasbourg. Un lancement accompagné sur le terrain d’opérations de marketing ciblées, des petits tournois par exemple. Ils permettent aux premiers amateurs de découvrir le jeu, voire d’en gagner une boîte.
«Chaque année, nous réalisons environ 1500 animations de ce type, sans oublier les festivals, la tournée des plages durant l’été, etc. »,raconte M.Carville. Objectif: enclencher le bouche-à-oreille. Si celui-ci fonctionne, le Splendor sera ensuite commercialisé dans les grands réseaux spécialisés, du type Toys’R’Us. Seuls les jeux qui réussissent ces deux premières épreuves se retrouvent au bout du compte dans les hyper marches. Et, pour certains, sortent des frontières de l’Hexagone. Ce dispositif permet de limiter les coûts de lancement, quand seules 1500 ou 2 000 boîtes sont mises en place, et de concentrer les efforts sur les jeux susceptibles de devenir de grands succès. A l’image de Jungle Speed, vendu en France à plus de 3 millions d’exemplaires depuis sa création il y a vingt ans, et traduit en trente langues. Asmodée en est l’éditeur depuis 1999.
ée en est l’éditeur depuis 1999. Car l’entreprise ne se contente pas d’inventer des jeux. Elle distribue aussi des produits conçus ou fabriqués par d’autres, comme les cartes Pokémon, dont les ventes ont bondi de 32% en 2013. «En France, la société atteindra peut-être un pic, mais le reste du monde lui est ouvert», estime madame Tutt. Tel est le pari de son nouveau propriétaire Eurazeo, qui veut transformer l’entreprise en «un leader mondial de l’édition et la distribution de jeux ». Ces dernières années, Asmodée a déjà créé des filiales en Amérique du Nord et en Chine et acheté certains de ses distributeurs, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni. Une base solide pour appliquer surplace les méthodes éprouvées en France. L’enjeu immédiat consiste à faire de Dobble un aussi grand succès outre-Manche que dans l’Hexagone, où ses ventes ont doublé en 2013.«Il figure déjà par mi les best-sellers sur Amazon, uk», se réjouit M.Carville.
Au-delà, Asmodée compte porter de 50X à environ 70 X la part de ses activités internationales. Cet essor devrait passer par des acquisitions. Un financement spécifique a été prévu en ce sens lors du changement d’actionnaires. L’entreprise tire son nom d’un démon, «surintendant des mai sons de jeu», souvent représenté soulevant les toits pour regarder à l’intérieur. Une jolie métaphore de l’acheteur étudiant ce qu’il convoite avant de signer le chèque…
